Connais-toi toi-même
Telle était la devise inscrite au fronton du temple d’Apollon à Delphes que Socrate reprit à son compte. Lové dans un amphithéâtre naturel, au pied d’une imposante falaise qui constitue le versant sud du Parnasse, irrigué par la fontaine de Castalie, Delphes était, pour les Grecs de l’époque classique, le symbole de l’âme de la civilisation grecque, ainsi que l’omphalos, le “nombril du monde“, là où se rencontrèrent les deux aigles lâchés par Zeus aux extrémités du monde. Lieu magique, lieu sacré, Delphes recelait déjà, à l’époque archaïque, un sanctuaire dédié à la Terre-Mère, Gaïa. Lorsque le culte d’Apollon, divinité solaire à l’arc d’argent et à la lyre vibrante, se répandit dans le monde grec, le nouveau dieu étouffa le serpent chtonien qui gardait les lieux pour en faire sa résidence privilégiée. Dieu de l’équilibre, de la rationalité et de la mesure, de l’harmonie de la musique et des arts, Apollon avertit les hommes : “Connais-toi toi-même” sous-entend “sache que tu n’es qu’un homme et prends garde à la démesure”. Mais le monde est aussi fait d’équilibre entre les contraires et Apollon cédait son sanctuaire chaque hiver, lorsqu’il partait se purifier en Hyperborée, à Dionysos, symbole de l’élan vital spontané, furieux, désordonné et de la folie de l’ivresse.
La Pythie
Face aux incertitudes du destin, les hommes de l’Antiquité sollicitaient souvent le conseil des dieux et ceux-ci répondaient par des signes tangibles mais d’interprétation difficile : vol des oiseaux, murmure du vent dans les feuillage, forme des entrailles des animaux sacrifiés. Parfois, ils répondaient aussi aux requêtes par la voix d’un oracle et le plus célèbre d’entre eux était certainement celui de la Pythie de Delphes. Le demandeur, après s’être purifié à la fontaine de Castalie, s’être acquitté de son offrande et avoir sacrifié une victime à Athéna et à Apollon, pénétrait dans le saint des saints du temple, l’adyton, et se trouvait face à la Pythie. Juchée sur un trépied, au-dessus de la fosse oraculaire, la Pythie entrait en transe, saisie par le souffle du dieu, et c’était le dieu qui s’exprimait par sa bouche. Il ne restait plus qu’à interpréter correctement la prophétie, formulée, comme toujours, en termes... sibyllins !
Un sanctuaire panhellénique
Révéré par toutes les cités-Etats, de Sparte à Thèbes et Athènes, le sanctuaire d’Apollon voyait, tous les quatre ans, célébrer la grande fête pythienne qui comportait, après une théophanie, des concours de musique, de poésie et de tragédie et des jeux sportifs dont le vainqueur se voyait récompensé par une couronne de laurier...
Sur les pas de Pausanias
Lorsque les archéologues du XIXe siècle tentèrent de retrouver les vestiges du sanctuaire de Delphes dans le village de Kastri qui s’était installé sur l’emplacement du site antique, ils suivirent pas à pas la description que Pausanias en fit au IIe siècle dans sa Périégèse. Partant du fond de la vallée et du temple d’Athéna pronaïa, flanqué de la merveilleuse tholos qui est un des chefs-d’œuvre de l’architecture grecque classique, nous longeons les vestiges du gymnase avant de pénétrer dans l’enceinte sacrée d’Apollon. Un sentier en lacets sur le flanc de la montagne, la voie sacrée, mène, après avoir traversé l’hémicycle des rois d’Argos et longé les différents “trésors“ où Athéniens, Corinthiens, Siphniens, Thébains et Cyréniens avaient déposé leurs somptueuses offrandes, vers le sanctuaire principal où officiait la Pythie. Plus haut encore, le théâtre et le stade d’où l’on jouit d’une vue splendide sur l’ensemble du site.
Merveilles
Pillé et ravagé plusieurs fois, le site de Delphes a livré de merveilleuses œuvres d’art au premier rang desquelles la statue de bronze du célèbre aurige, un taureau d’argent et une statue d’Antinoos en kouros que l’on admirera au musée de Delphes.